Page d'histoire

Publié le 4 Octobre 2011

«Mangez-le si vous voulez»

Couverture TeuléJe viens de finir le roman de Jean Teulé, inspiré de l'une des anecdotes les plus honteuses de l'histoire du XIXe siècle en France.

En effet, «Mangez-le si vous voulez», publié aux Éditions Julliard mais que l'on trouve aussi maintenant en livre de poche, raconte l'histoire d'un jeune Périgourdin intelligent et aimable, qui se rend à la foire de Hautefaye, le 16 août 1870. Cette année-là, la France combat les Prussiens mais mal préparés, très inférieurs en nombre et très mal commandés, les Français sont sévèrement battus dans plusieurs batailles. D'ailleurs cette guerre franco-allemande, entraînera la chute de l'Empire français et la perte pour le territoire français d'une partie de l'Alsace-Lorraine. 

Mais revenons au roman de Jean Teulé qui nous fait suivre Alain de Monéys, 28 ans. Élu municipal, il parle à plein de monde pendant le trajet jusqu’à la foire avec ses amis paysans dont certains seront parmi ses futurs bourreaux. Arrivé à Hautefaye pour acheter une génisse à quatorze heures… deux heures plus tard, il aura été lynché, torturé par une foule de plus de 500 paysans, brûlé vif et même mangé!
En fait, c’est un absurde quiproquo – digne d’un dialogue à la Ionesco – qui scelle le tragique destin du jeune Périgourdin :
- Eh bien, mes amis que se passe-t-il ?…
- C’est votre cousin, explique un colporteur. Il a crié : « Vive la Prusse ! »
- Pourquoi pas « À bas la France ! » ?
- Qu’est-ce que vous venez de dire, vous ?
-Quoi ?
-Vous avez dit « À bas la France »…
-Hein ? Mais non !
-Si vous l’avez dit ! Vous avez dit « À bas la France ».

Jean Teulé raconte ainsi la journée tragique de ce jeune homme, victime d’une foule devenue folle. Un fait divers terrible mais bien réel qu’il raconte d’une façon extraordinaire. Car on suit pas à pas le calvaire d'Alain de Monéys, étape par étape sa mise à mort. Car il s'agit bien d'une mise à mort et l'auteur ne mâche pas ses mots. Il décrit les souffrances atroces de son personnage principal sans arrondir les angles. Les passages de torture sont très explicites et je vous assure qu'en les lisant, on a mal avec lui. Le lendemain, personne ne comprend comment la situation a pu en arriver là.

Tout ce que raconte Jean Teulé est véridique. Oui, cette triste page d'histoire de France est bien réelle. On parlait à l'époque de raser le village d'Hautefaye, tant la région, la France avait honte de ce qui s'était passé, car même si certains ont été punis de ce crime, le village est resté hébété par cette odeur de mort. Les bâtiments n'ont pratiquement pas bougé. Seule la mairie est à la place de l'ancienne auberge, là où «chacun se levait pour participer au carnage». Aujourd'hui encore, le sujet est délicat.

Cependant, ce qui inquiète en finissant ce roman, c'est que l'on se dit que cette violence collective d’une société à une période charnière de son histoire, concentrée sur un bouc émissaire est une scène qui aurait pu avoir lieu n’importe où, et qui peut avoir lieu n’importe quand.

Rédigé par Corinne Sorin

Publié dans #Littérature

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C
<br /> <br /> Merci pour cette page d'histoire que j'ignorais et que bien d'autres personnes igorent surement. Quelle atrocité  ! Mais je crois que les gens poussés à bout ne réfléchissent plus et<br /> malheureusement ce genre de choses, peut être différent, mais pourrait arriver. La foule est quelquefois incontrôlable...<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Merci pour ce commentaire.<br /> <br /> <br /> <br />